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le blog de l'auvergnat
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30 novembre 2008

L'HOMME QUI MANGEA DEUX VACHES

Cette anecdote véridique m'a été rapportée par un habitant de Collandres, petite bourgade nichée dans les alpages qui s'étendent sur les flancs démantelés de l'ancien volcan cantalien.

C'était une ou deux années avant le déclenchement de la grande guerre, Hubert, petit fermier besogneux, était descendu à Riom es Montagne pour la grande foire de la St Michel. Il voulait y vendre une paire de vaches "dondas" (domptées pour l'attelage) . Âpres de longues et bruyantes palabres entre un maquignon retors et un non moins rusé paysan, les deux hommes topèrent enfin. Le marché conclu s'élevait à 51 pistoles. Il est utile de savoir que cette unité monétaire avait encore cours dans le langage campagnard. Une pistole valait six francs or.

Vers midi, Hubert conduisit ses vaches au quai d'embarquement de la gare, récupéra le joug, tendit la main. Le maquignon sortit de la poche intérieure de son ample blouse bleue un volumineux portefeuille de cuir ventru à souhait, fermé par un lacet et ancré au torse de l'homme par une solide châinette propre à décourager le plus expérimenté des voleurs à la tire. Il compta à deux ou trois reprises, d'un pouce et d'un index mouillés de salive, cinq billets de cent francs, referma son coffre, l'enfouit dans sa cachette, puis tira de son porte monnaie une pièce de dix francs.

Hubert, étonné par ce pactole, glissa les billets dans la poche de sa veste et partit dare-dare au bistrot pour "casser" la pistole. Il éclusa un couple de chopine de vin et avant de reprendre le chemin de Collandres, il se paya une douceur pour agémenter le retour, en l'occurrence un petit pain blanc panifier à la belle farine de froment. En somme, une folie, mais un régal pour le palais de ce miséreux, contraint depuis toujours au noir seigle quotidien. La friandise fut serrée avec les billets.

L'air vif du prime automne, la marche et le vin avaient excité l'appétit du piéton. Son estomac criait famine. Le joug sur l'épaule, sans marquer l'arrêt, Hubert extirpa la gourmandise de sa poche et croqua à belles dents, bien que le pain ait eu une étrange saveur et une tendreté ne facilitant point la déglutition. Âpres quelques bouchées, Hubert renonça et remit le pain dans sa poche. Déja , la nuit tombait.

Arrivé au logis, Hubert se débarrassa du joug et, à la lueur de lampe à pétrole, retira de sa blouse un quignon, quelques miettes et... des lambeaux de billets de banque. Dans sa hâte, il avait dévoré l'argent!

De nos jours, on parle encore de cet exploit, qui valut à l'infortuné Hubert ce sobriqué flatteur: "l'ôme que mnjét doas vacas" (l'homme qui mangea deux vaches).

Jean-Claude,

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Commentaires
C
Est-ce pour cela qu'il avait une mine de papier mâché ce pauvre Hubert !<br /> Salut
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